Mimi
Extrait de La Braconne -  Roman - Cherche-Midi Editeur (1996)

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Nous avions dans l’école un tour de service ; un garçon, une fille. Le hasard me fit faire équipe avec Mimi Michon, une fille du Rouvre. Pendant une semaine je devais, après la classe, balayer entre les rangées, ramasser les papiers. Il fallait d’abord aller avec le seau jusqu’à la pompe chercher l’eau, tourner la roue puis remplir une boîte de fer percée d’un trou avant de dessiner sur le plancher des arabesques compliquées pour éviter que le passage du balai ne provoque un nuage de poussière. Avec ma boîte à la main, je m’appliquais à faire courir sur le plancher des billes d’eau en ronds aussi réguliers que possible et profitais de mon passage à côté de Goubé pour arroser ses godasses. Mimi, comme une vraie petite femme, prenait le relais et poussait le balai, avec application, jusqu’à la pelle qui l’attendait près de la porte du vestiaire.

Dès le premier jour, poussé par ma soif d’aventure, je décidai de l’embrasser. Elle était suffisamment grande pour que je fasse une tentative sans déchoir. Je m’appliquais en effaçant le tableau à ne pas prendre d’avance sur elle. J’allais consciencieusement secouer mon torchon, dans un nuage de craie, sur un poteau du préau. Plus je l’observais, plus elle me paraissait jolie. Ses genoux de gamine s’arrondissaient, son tablier se tendait sur sa poitrine et ses yeux bleus me souriaient gentiment. Malgré mon appréhension naissante, tout me disait qu’elle pouvait être à la portée de mes avances. Je n’avais jamais été de corvée avec elle, sa route partait au nord vers le hameau du Rouvre, la mienne montait par le sous-bois vers celui de la Touche. Sans ce balai de bouleau tout neuf qu’elle poussait devant elle, j’aurais sûrement cherché ailleurs à faire mes débuts de séducteur. Penché sur sa table, trop petite pour lui, Goubé suçait goulûment son crayon au-dessus d’un problème apparemment sans solution. Dans la classe, ses reniflements, mes chuchotements avec Mimi, les coups de balai résonnaient entre les murs vides...

Mon cœur caracola quelques instants mais tout se passa très vite et très simplement. Dans le vestiaire, au moment où elle allait prendre sa veste, je lui attrapai la tête et posai violemment mes lèvres sur les siennes. Nos dents se heurtèrent.
Sans cri, sans se débattre, Mimi passa ses bras autour de mon cou et sa langue vint rencontrer la mienne, doucement sans précipitation. Après quelques instants de ce premier baiser, nous décidâmes de nous donner un baiser d’adieux. C’est le moment que choisit Goubé pour sortir. A vrai dire, c’est aussi ce que j’attendais. Il ne me suffisait pas de tourner autour de lui pendant la corvée, je lui démontrais que mon charme pouvait aussi ravager les cœurs de nos équipières de classe. Je laissai Mimi s’éloigner sur la petite route...










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