Manger
Humeur
(Avril 2006) - Jean-Claude Ponçon


     
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Je me trouvais l’autre jour à la sortie d’une grande surface, côté fleurs ou côté pinard, je ne me souviens plus, mais ce dont je me souviens c’est du grand caddy de ces deux gosses, dix-neuf, vingt ans, la fille, le garçon et cet immense caddy dans lequel ils ramenaient un paquet de pommes chips, un paquet de pâtes alimentaires et peut-être pour un petit bonheur du palais une bouteille de ketchup. A la caisse ils payèrent à deux, en cherchant bien… Vous voyez, moi, ça me bouleverse ce grand caddy et ces deux gosses, leurs chips et leurs nouilles…

Mais l’histoire ne se termine pas encore, le 24 du mois de mars 2006, une dame, dans une autre surface,  s’achetait une tranche de pâté, une dame de la cinquantaine, bien propre et ordinaire, avec un travail, la preuve : quand la vendeuse lui demanda : « c’est tout madame ? » elle répondit : «oui c’est tout » et elle ajouta en se tournant vers moi avec un petit sourire contraint : « on va attendre la fin du mois… »

Qu’on veuille bien excuser l’a peu près du mot, ce presque néologisme, mais ça fait mal, ça « infirme » ça « invalide » le cœur et ça nie, ça infirme nos appartenances à une société.

J’ai connu, il y a bien des années, les clochards qui pochetronnaient sur les quais, mais quoi aujourd’hui ? des misères de gosses, de mères, de grands-mères.

L’histoire bégaie donc, tout cela ressemble à ce début du 19ème siècle où le pauvre  était un marginal qui devint commerçant, artisan, ouvrier en 1850… Quatre cent mille bons de pain pour un million d’habitants à l’époque à Paris ! Ça ne vous dit rien à vous ? Ça en ferait combien aujourd’hui ? deux millions, trois ? d’ailleurs combien de parts aux resto du cœur et aux autres assos distribuées aujourd’hui ?


On se la fait industrielle la misère et l’égoïsme institutionnel… Qu’on me donne un pauvre à moi (ou en copropriété au cas où j’aurai du mal à faire le riche), là au moins j’aurai la certitude qu’il ne sera pas oublié  devant un carré télé où cette réalité devient virtuelle !

 

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